En Égypte, la mention de la religion sur les cartes d’identité est source de danger pour les chrétiens
En Égypte, un nouveau refus d’un projet de loi qui réclamait l’élimination de la désignation de la religion sur les cartes d’identité, rappelle à la communauté internationale la tragique situation des chrétiens.
La désignation de la religion sur les cartes d’identité est au coeur des débats en Égypte comme le révèle Morning Star News. Plusieurs campagnes, notamment sur les réseaux sociaux, ont déjà été réalisées pour tenter de supprimer cette mention sur les cartes d’identité, mais sans succès. Récemment, un projet de loi présenté par le député Ismaïl Nasreddin, qui réclamait l’élimination de cette désignation, a été rejeté.
Une mention religieuse problématique
Shérif Azer, responsable des politiques à la Commission égyptienne des droits et libertés à Morning Star News, s’exprime au sujet des discriminations liées à cette désignation. La mention « chrétien » sur une carte d’identité peut poser problème lors de contrôles de police, dans les hôpitaux ou les lieux de travail.
« Chaque fois que vous devrez montrer votre carte d’identité, vous serez immédiatement catégorisé. »
Mais pour les musulmans, cette suppression aurait des conséquences importantes. Par exemple, une femme musulmane pourrait épouser un homme chrétien, ce qui est pour le moment illégal en Égypte car les enfants doivent suivre la religion du père. Shérif Azer s’exprimait sur la position du gouvernement :
« Vous devez avoir un gouvernement qui aurait une vision adéquate d’une société basée sur la citoyenneté, l’égalité et les droits de l’homme, mais je ne pense pas que le régime actuel ait une idée de ce à quoi cela ressemblerait. Alors, ils agissent au hasard. »
Timothy Kaldas, chercheur non résident à l’Institut Tahir pour la politique au Moyen-Orient, parle quant à lui de la part symbolique de cette loi :
« Cette proposition est fréquente et ne débouche jamais. En général, les réformes entourant la religion en Égypte sont assez difficiles à appliquer et même lorsqu’elles le sont… elles ont souvent un effet trop peu important, voire inexistant. »
Il place également cette mention de la religion dans une problématique de sécurité. Après des attaques, elle permet aux églises de vérifier l’identité des personnes qui entrent dans le bâtiment. Et c’est effectivement dans un contexte de vive discrimination religieuse que nous devons interroger cette désignation de la religion.
Dans un contexte de discrimination et de harcèlement
En Égypte, la Constitution garantit la liberté d’expression et de conviction, mais on rapporte un harcèlement et des arrestations des personnes récemment converties issues de l’islam par les agents de sécurité du ministère de l’Intérieur. Le grand imam de la mosquée Al-Azhar s’était exprimé ainsi lors du Ramadan :
« La peine pour un apostat ouvert qui quitte la communauté, est bien stipulée dans la charia. Un apostat doit être poussé à se repentir dans un laps de temps variable ou à être tué. »
Les chrétiens égyptiens sont discriminés et subissent une persécution violente. Le 2 novembre, une attaque terroriste a causé la mort de 7 personnes, parmi lesquels 6 membres d’une même famille. 19 autres ont été blessées. Ces chrétiens se rendaient vers un monastère isolé au sud du Caire quand leurs bus ont été attaqués. Au quotidien, c’est la loi qui régit la construction et l’entretien des lieux de culte qui discrimine les chrétiens, comme le souligne un rapport du Comité de la liberté religieuse internationale.
« Cependant, certains chrétiens et des organisations de défense des droits de l’homme se sont déclarés préoccupés par le fait que le la loi autorise les gouverneurs à refuser les permis de construire des églises sans possibilité de recours [...] À la fin de la période de référence, aucune des 5 540 églises qui avait demandé des licences en 2017 n’avait été approuvé. »
Des actes de violence en toute impunité
Les actes de discrimination et de persécution se font à l’égard des chrétiens le plus souvent en toute impunité, comme le déplore Ibrahim Raymond, au sujet des victimes d’attaque islamiste.
« Oui, nous comprenons la situation et votre innocence, mais le seul moyen de rétablir le calme dans le village est que X [le chrétien offensé et sa famille élargie, qui ont peut-être tous été battus], quitte le village - juste pour le moment, jusqu’à ce que les choses se calment. [...] Ou, Oui, nous comprenons que vous avez besoin d’une église, mais comme vous pouvez le constater, la situation est instable en ce moment, alors, pour le moment, vous pouvez peut-être vous rendre à l’église de la ville la plus proche, à six milles plus loin - vous savez , jusqu’à ce que les choses meurent. »
Il raconte qu’à la suite d’attaques contre une église, ce sont des chrétiens qui ont été arrêtés. Les autorités incitent les chrétiens à se réfugier dans un règlement à l’amiable. Règlement qui aboutit le plus souvent à la fermeture de l’église, comme l’indique Morning Star News.
« Nous avons procédé aux arrestations. Mais tout comme vous dites que tel ou tel musulman était impliqué, il y a encore plus de témoins [musulmans] qui insistent sur le fait que ce sont vos propres jeunes chrétiens qui ont déclenché la violence. Nous pouvons donc les arrêter et les poursuivre en justice, ou vous pouvez repenser notre offre de tenir une réunion de réconciliation. »
La situation des chrétiens en Égypte est donc complexe, mais, selon Timothy Kaldas, il en est de même pour de nombreux autres citoyens.
« Fondamentalement, la plupart des problèmes auxquels les chrétiens sont confrontés en Égypte sont ceux de tous les égyptiens en Égypte. Leurs expériences vécues ne sont pas si différentes de celles de la plupart des égyptiens. »
La rédaction
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